Biographie

Ancien journaliste, devenu conteur, Jean-Yves Vincent dit clairement : “Je suis un enfant de Burbure”. Un Vincent de la lignée des Madeleine.

Madeleine était le prénom d’une grand-tante qui avait un caractère de cochon; prénom devenu surnom pour son grand-père aux ateliers des mines où il travaillait, parce qu’il y avait déjà un Vincent. C’était l’époque où, à Burbure, tout le monde avait son surnom. Si le hasard l’a fait naître dans la Sarthe, c’est bien à Burbure où habitait son grand-père, qu’il a passé toute son enfance et suivi toute sa scolarité primaire. “On ne sort pas indemne d’une scolarité à Burbure”, dit-il. Habitant du Mensecq, il faisait quotidiennement le chemin de l’école à pied, “in passant par ches voyettes”, espace de liberté et lieu de guets-apens montés par les plus grands… “Combien de fois suis-je rentré à la maison la blouse déchirée ? “. Fort heureusement, il y avait aussi des jeux plus calmes: “avec les copains, on faisait des courses de brin de paille dans les caniveaux… Le premier qui voyait son brin de paille avalé par la bouche d’égout chez Réveillon (le marchand de vélos) avait gagné”. Et d’évoquer tout ce que pouvait lui raconter son grand-père paternel… Des histoires qui ont nourri son imaginaire au même titre que celles de son grand-père maternel, r’bouteux à Lillers, qui travaillait à la sucrerie, sentait la mélasse et avait toujours avec lui une peau de mouton. Encore gamin, Jean-Yves inventait déjà des histoires, avec son grand-frère. “Au lit de bonne heure, nous nous racontions l’épisode de Zapi Max (émission de radio) du lendemain”. Et de se souvenir des phares de voitures (beaucoup moins nombreuses qu’aujourd’hui) qui arrivaient de Burbure et passaient dans sa chambre. Des fantômes…

Un marron dans la poche. “Quand je raconte, dit Jean-Yves Vincent, je suis de Burbure au plus profond de moi, au plus près de ce que je suis. En toile de fond, il y a les voyettes, le maréchal-ferrant, l’abbé Chevalier perché sur ses marches faisant la loi, et toutes ces fois où nous allions sonner aux portes avant de se barrer en courant. Je raconte avec mes grand-parents, mon jeune frère… Ils sont là…” Même si la réalité est toute autre. “Je dois faire attention à ne pas trop me laisser aller; j’ai besoin d’une prise de terre pour me remettre dans le réel”… Rôle dévolu au marron qu’il a toujours dans la poche de son pantalon, comme autrefois son grand-père. En 1981, Jean-Yves Vincent avait publié un recueil de  “Contes et légendes à lire au coin du feu”. “Un travail d’écriture où l’on se referme sur soi“, à l’opposé de ce qu’il fait aujourd’hui. Conter c’est s’ouvrir aux autres : “Le conte marche parce qu’il y a le regard des gens en face”.

Rencontre avec Chabrol. Entre l’écriture et la scène, il y a eu les rencontres, celle de Chabrol en tout premier lieu : “hirsute, sur un coin de scène, qui raconte des souvenirs de jeunesse et qui t’embarque par la sincérité et la verve”.  Après, il y a eu le travail, avec Gougaud entre autres; beaucoup de travail pour “faire croire aux gens qu’il n’y a pas de travail”. Pour comprendre aussi que “c’est le conte qui te choisit”. Ainsi les histoires d’enfance à Burbure ont trouvé un conteur, Jean-Yves qui avec son Burbure paradis, entretient la capacité d’émerveillement qu’il avait lorsqu’il était enfant. Pour lui, le conteur ne peut jamais vraiment se déraciner. Une terre d’argile, humide; un champ de maïs, de l’herbe, des pissenlits… et des histoires qui voyagent, qu’il réinvente au gré des soirées, des promenades, emmenant son auditoire dans un imaginaire qu’il finit par s’approprier. Il y a là une notion d’échange avec le public qui fait du conte une vraie forme d’expression.

Ph. Vincent-Chaissac

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